Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Les Français dépensent moins pour l’alimentation » : ce que disent les chiffres, au-delà de la polémique sur les propos de Macron

Des pommes de terre bouillies et du fromage blanc étalé sur d’épaisses tartines. C’est le menu quotidien des ouvrières françaises du textile au début du XXe siècle, décrit par l’économiste Jean Fourastié, dans son célèbre ouvrage Les trente glorieuses. Ou la révolution invisible de 1946 à 1975 (Fayard, 1979). L’alimentation représente alors plus de la moitié du budget des ménages. Cent ans plus tard, elle est tombée à 14 %, selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de 2021 (en euros courants).
Faut-il en conclure pour autant que la France, ce pays aux 365 fromages, serait celui dont les habitants préfèrent se payer un abonnement Netflix que s’alimenter correctement ?
Le 24 février, au Salon international de l’agriculture, Emmanuel Macron avait vigoureusement démenti la citation que lui avait attribuée le quotidien La Marseillaise : « Les smicards préfèrent des abonnements VOD à une alimentation plus saine. » Mais il avait immédiatement ajouté : « Le problème que nous avons dans notre pays aujourd’hui, c’est que la part du revenu que les Français allouent à l’alimentation en trente ans a baissé. » Avant de poursuivre : « Les gens dépensent plus d’argent pour le logement, pour les abonnements téléphoniques, pour les voyages, pour la télévision. Le mode de vie a changé, et ils dépensent en proportion moins pour l’alimentation. » Un propos qui a immédiatement valu au chef de l’Etat des accusations de « mépris de classe » de la part de la gauche et de l’extrême droite réunies.
Les chiffres, pourtant, sont de son côté, du moins en partie. Les dépenses alimentaires sont de loin celles qui ont le plus baissé depuis l’après-guerre, avec l’habillement. C’est ce que les économistes appellent la « loi d’Engel », du nom de ce statisticien allemand qui a montré que la part du revenu consacrée à se nourrir diminue à mesure que les gens s’enrichissent. « C’est plutôt une bonne nouvelle, commente Philippe Moati, professeur d’économie à l’université Paris-Cité, et fondateur de l’Observatoire société & consommation. Les gens mangent plus et mieux, et le surcroît de revenu est consacré à d’autres dépenses. »
L’enrichissement collectif n’est pas la seule explication : la révolution agricole de la seconde moitié du XXe siècle, l’invention de l’agriculture intensive et les politiques de soutien européennes ont aussi permis de faire chuter drastiquement les prix de l’alimentation grâce à des gains de productivité « beaucoup plus importants dans l’agriculture que dans l’industrie », souligne M. Moati.
Il vous reste 61.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish